Peut-on faire confiance aux journalistes ? – Eve Guyot, pour La Croix, 28/01/2021
Cas de conscience. Depuis quelques années, le baromètre de La Croix témoigne du peu de confiance que les Français accordent aux médias. Publié mercredi 27 janvier, la dernière édition couvre l’année 2020, année de crise où la population a été suspendue aux actualités.
Pourtant, ce dernier baromètre des médias montre une fois de plus que le taux de crédibilité des journalistes reste faible. Ainsi, plus de la moitié des personnes interrogées considèrent qu’ils ne sont pas indépendants. Et seules 52 % d’entre elles se fient à ce qu’elles entendent à la radio, pourtant considérée, devant la presse écrite, comme le média le plus sérieux. Entre la flambée des infox, la prolifération des sources et le mélange des faits et des opinions, est-il encore possible de s’informer en toute confiance ?
Depuis l’automne 2018 et le mouvement des gilets jaunes, la critique des médias se cristallise autour d’un reproche : les journalistes seraient déconnectés de la réalité. Une partie de la population ne se sent pas représentée au sein des rédactions, majoritairement parisiennes et souvent épinglées pour leur manque de diversité – comme France Télévisions l’année dernière.
Ces Français regrettent que les sujets traités par les médias soient trop éloignés de leurs préoccupations. Cette année, les trois quarts des sondés estiment que les journalistes ont trop parlé de la crise sanitaire, au détriment de questions sociales ou climatiques.
Une crise de vocation chez les journalistes
« La jeune génération aussi est pleine de préjugés », s’inquiète Anne Cordier, maîtresse de conférences en sciences de l’information et spécialiste de l’éducation aux médias. Le bras de fer entre la rédaction de Science & Vie et son propriétaire Reworld Media conforte ceux qui voyaient la mainmise des grands groupes comme une menace pour l’indépendance des journalistes.
D’autres se mettent à douter de la rigueur journalistique, comme Vincent, étudiant en école d’ingénieurs de 20 ans, qui constate régulièrement des erreurs dans les articles scientifiques des médias grand public. Les journalistes sont-ils encore capables de remplir leur mission ?
« La crise économique a occasionné des transformations brutales dans un secteur qui était déjà fragilisé », explique Anne-Sophie Novel, journaliste et autrice du livre Les Médias, le monde et nous, qui tient à rappeler que les professionnels n’ont plus le monopole de l’information depuis plusieurs années. Aujourd’hui, les journalistes sont d’ailleurs nombreux à abandonner leur vocation, désabusés, à cause notamment de la précarité et du manque de temps. « J’aime toujours le journalisme, mais pas tel qu’il est exercé par la plupart de la presse aujourd’hui », raconte l’un d’entre eux dans un récent article du sociologue Jean-Marie Charron.
La pression de la productivité est parfois telle que certains privilégient la course au scoop : le 11 avril 2019, l’arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès a fait la une de plusieurs journaux avant que l’information soit démentie quelques heures plus tard. Pour Anne Cordier, « la figure journalistique a été fragilisée jusqu’à donner l’impression que l’information vraie n’existe plus ».
Des initiatives pour redonner confiance dans les médias
Pourtant, « pendant que certains font des erreurs, d’autres prennent du temps et des risques pour montrer au public que l’on peut faire du bon travail »,estime Anne-Sophie Novel. Car si le journalisme est souvent élevé au rang des métiers passions, tout professionnel est aussi soumis à des devoirs, distingués par la charte de Munich depuis 1971 et inscrits dans les statuts des entreprises de presse.
Le premier d’entre eux est le suivant : « Respecter la vérité quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même ». Une mission exigeante pour laquelle les journalistes n’ont jamais été aussi bien formés : il existe aujourd’hui de nombreux établissements dédiés, dont quatorze écoles dites « reconnues ». Afin de rendre la profession plus accessible, des dispositifs comme La Chance proposent une préparation gratuite pour les étudiants boursiers ou en situation de handicap.
Et si elles ne bénéficient pas toutes de la même visibilité, les initiatives pour retrouver la confiance du public foisonnent. Pour lutter contre la désinformation, de nombreux médias ont développé des outils de vérification pour rétablir la vérité des faits. Et en réponse aux soupçons de manipulation, des médias indépendants, au format numérique ou papier, ont fleuri (Les Jours, AOC, Médiacités…) ; certains proposant des enquêtes et des reportages au long cours, d’autres encore des analyses et des débats de fond.
Quand les journalistes migrent sur les réseaux sociaux
Peut-on apprendre à faire confiance aux journalistes ? Samuel Étienne en est convaincu : depuis quelques mois, il propose une revue de presse interactive sur Twitch (une sorte de réseau social), qui rassemble chaque jour une dizaine de milliers de jeunes, attirés par « sa pédagogie et sa bienveillance ». « J’essaie de les guider dans le monde de l’information et de leur expliquer en quoi consiste notre métier. On raconte les histoires des autres mais on ne se raconte pas assez et je crois que c’est cela qui nuit à notre image ! » La pédagogie serait-elle la clé d’une potentielle réconciliation ?En attendant, Anne Cordier rappelle qu’« il est inutile de se méfier, mais essentiel de douter ».
Questions
– Qu’est-ce que les français pensent, en majorité, des journalistes ?
– Pourquoi la profession a du mal à recruter ?
– Doit-on réinventer le métier et comment ?
Les milliardaires et les médias
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Médias français : qui possède quoi ?
Quel danger ?
JEU DE RÔLE
Vous êtes invités de l’émission “Le club Média”, émission sur les médias sur BFM TV. Le sujet du jour est “La mainmise des milliardaires sur les médias” et un débat est organisé autour de 4 personnes :
– Cyril Hanouna, présentateur de TPMP, grand fidèle de Vincent Bolloré, qui n’hésite pas à aller au combat pour défendre son patron ;
– Nathalie de Saint Cricq, journaliste pour le service public, qui considère que les médias doivent pouvoir faire de l’argent (mais dans les limites du raisonnable) ;
– Jean-Michel Apathie, journaliste français, plutôt opposé mais qui reste rationnel ;
– Clémence Guetté, élue La France Insoumise, qui a des idées plus arrêtées et qui défend son point de vue avec des arguments chocs.
Chaque groupe devra proposer un minimum de 3 arguments en faveur de la mainmise et 3 arguments en défaveur. Evidemment, le ton adopté dépendra de qui propose cet argument. N’hésitez donc pas à être dans l’offense, l’exagération, parfois même le petit mensonge.
Première partie : 5:05 à 16:05
Deuxième partie : 1:17:53 à 1:31:38