Pourquoi appelle-t-on Paris la ville lumière ?
On appelle Paris “la ville lumière” parce que c’est à Paris qu’est né le premier éclairage public sous Louis XIV en 1665 avec la création du premier établissement de lanternes ! Avant la ville était un véritable coupe-gorge. Il y avait eu des tentatives pour la mettre en lumière, mais qui n’avaient été pas vraiment suivies d’effet parce qu’équiper une ville en lampadaires coûtait trop cher.
Ensuite, c’est également à Paris qu’ont eu lieu les premiers essais d’éclairage électrique dans l’espace public en 1844. Puis en 1881, c’est à Paris qu’a eu lieu la première exposition internationale d’électricité. Un événement soutenu par des ingénieurs et des financiers qui va connaître un immense succès.
Si Paris est la première ville éclairée à la bougie au XVIIe siècle, elle n’est pas la première à être éclairée ni au gaz, ni à l’électricité au XIXe. Mais en 1900, lors de l’Exposition Universelle, elle se dote de ce surnom de “Ville lumière”. Pour elle, c’est un élément marketing, une façon de se vendre et de se mettre en avant. En effet, à ce moment-là, elle a rattrapé son retard sur les autres villes comme New York, qui a déjà un éclairage électrique. Comme cela, la ville brille de 1 000 feux et rappelle que c’est à Paris qu’ont eu lieu les premièrs tentatives d’éclairage moderne électrique.
Sylvain Ageorges – Sur les traces des Expositions Universelles
L’idée d’exposer publiquement des produits industriels et agricoles naquit à Paris au XVIIIe siècle. […] tout changea en 1851, lorsque Londres organise la première exposition universelle, The Great Exhibition of Works of Industry of all Nations, dont le titre lui-même raisonnait comme un programme : la grande nouveauté était de présenter non seulement les produits nationaux, mais aussi ceux des pays voisins. Invité d’honneur, la France occupait la plus grande place dans la section étrangère. La manifestation londonienne remporter un succès éclatant : 1 million de visiteurs se pressèrent au Crystal Palace, majestueux bâtiment de verre, construit spécialement pour l’occasion.
Au sortir d’une visite qui lui fit forte impression, l’empereur Napoléon III commanda immédiatement une exposition similaire en France, à l’horizon de 1855. Cette décision prise au sommet de l’État faisait de la manifestation, un acte hautement politique ; il en alla de même pour les éditions suivantes, toujours voulues par le pouvoir et empreintes d’une grande charge symbolique. La deuxième exposition universelle parisienne, en 1867, célébra les victoires militaires du Second Empire ; l’Exposition de 1878 voulu être celle de la réconciliation nationale après les affrontements de la Commune ; celle de 1889, fêtait le centenaire de la Révolution française – les monarchie européennes s’abstinrent donc d’y participer officiellement, mais, économie oblige, encourager leurs industriels à faire le déplacement. La manifestation de 1900 salua le tournant du siècle. L’Exposition coloniale de 1931 mit à l’honneur la puissance de la France d’outre-mer et l’Exposition de 1937, décidée par le gouvernement du Front populaire fut la dernière organisée en France.
Le principe était immuable : chaque pays était libre de présenter ce que bon lui semblait, dans un pavillon qu’il bâtissait, sans autre contrainte que la superficie du terrain allouée par les organisateurs. Une différence notable avec les expositions actuelles – internationales plutôt qu’universelles, pour lesquelles les pays d’accueil construisent la plupart des pavillons sur des thèmes précis : « l’eau et la mer » pour l’exposition de Lisbonne en 1998, « la sagesse de la Nature » pour l’exposition de Aichi au Japon, durant l’été 2005 […]
La tour Eiffel, édifiée en 1889, le Grand Palais en 1900 ou le palais du Trocadéro en 1937, sont les témoins les plus célèbres des expositions du passé, alors que la majorité des pavillons, fait de bois et de torchis, de briques ou de plâtre, décorés de stuc et de céramique, étaient destinés à être détruits à la fin des festivités et ont aujourd’hui disparu.
Questions :
- Qu’apporte une exposition universelle à une capitale ?
- Pensez-vous que Paris puisse de nouveau prétendre organiser une exposition à visée mondiale ?
Pierre-Joseph Proudhon – Du principe de l’art et de sa destination sociale
Les halles centrales ont causé grand scandale dans la gent[1] académique, élèves et maîtres. Là, en effet, pas, de colonnes, pas de pilastres, pas de corniches, pas d’attiques ; ni chapiteaux, ni modillons, ni cartouches, ni statues, ni bas-reliefs ; de la pierre dans les fondations, du fer depuis le sol jusqu’à la couverture, une toiture de verre et de zinc : rien de tout cela n’a été prévu par l’Institut et l’École. Aussi les halles sont-elles un monument de la barbarie ; un vol fait aux artistes pour lesquels les travaux de la ville et de l’État sont une propriété ; un détournement de commande au profit des modestes dessinateurs, modeleurs et fondeurs de l’usine de Mazières.
Mais le public s’est rangé du côté des industriels contre les artistes, et il a eu raison. L’idéal d’un marché, où s’entassent des matières promptement putrescibles[2], serait qu’il fût à ciel ouvert ; l’inclémence[3] de notre climat ne le permettant pas, le mieux serait que la couverture fût en quelque sorte suspendue par une attache en haut, comme une lampe au plafond ; le point d’appui manquant encore de ce côté, les colonnes destinées à soutenir le toit doivent tenir aussi peu de place que possible ; beaucoup d’air, beaucoup d’eau, tel était le programme utilitaire, sanitaire. L’ingénieur des balles centrales l’a compris : rien de trop dans son monument ; il n’a cherché que le simple, et il a trouvé le grandiose. Que les académiciens préfèrent un entassement de pierres, plus ou moins symétrique, sans air, sans lumière, avec le typhus en permanence, comme dans l’espèce de bastille ou de prison qui subsiste encore en face de l’église Saint-Eustache, ou les autres marchés de Paris clôturés de murs : le public sait maintenant ce que peut et doit être un monument d’utilité publique, et il ne sera plus dupe des charlatans de la forme et de l’idéal, sans conscience et sans idée.
Le but de l’art est de nous apprendre à mêler l’agréable à l’utile dans toutes les choses de notre existence ; d’augmenter ainsi pour nous la commodité des objets, et par là d’ajouter à notre propre dignité.
Questions :
- Montrez en quoi l’ironie déployée contre « la gent académique », indique que, pour Proudhon, leur jugement concernant les bâtiments contemporains est dépassé.
- Comment Proudhon justifie-t-il la modernité des Halles centrales de Paris ?
Emile Zola – Au bonheur des Dames
Denise était venue à pied de la gare Saint-Lazare, où un train de Cherbourg l’avait débarquée avec ses deux frères, après une nuit passée sur la dure banquette d’un wagon de troisième classe. Elle tenait par la main Pépé, et Jean la suivait, tous les trois brisés du voyage, effarés et perdus, au milieu du vaste Paris, le nez levé sur les maisons, demandant à chaque carrefour la rue de la Michodière, dans laquelle leur oncle Baudu demeurait. Mais, comme elle débouchait enfin sur la place Gaillon, la jeune fille s’arrêta net de surprise.
– Oh ! dit-elle, regarde un peu, Jean !
Et ils restèrent plantés, serrés les uns contre les autres, tout en noir, achevant les vieux vêtements du deuil de leur père. Elle, chétive pour ses vingt ans, l’air pauvre, portait un léger paquet ; tandis que, de l’autre côté, le petit frère, âgé de cinq ans, se pendait à son bras, et que, derrière son épaule, le grand frère, dont les seize ans superbes florissaient, était debout, les mains ballantes.
– Ah bien ! reprit-elle après un silence, en voilà un magasin !
C’était, à l’encoignure de la rue de la Michodière et de la rue Neuve-Saint-Augustin, un magasin de nouveautés dont les étalages éclataient en notes vives, dans la douce et pâle journée d’octobre. Huit heures sonnaient à Saint-Roch, il n’y avait sur les trottoirs que le Paris matinal, les employés filant à leurs bureaux et les ménagères courant les boutiques. Devant la porte, deux commis, montés sur une échelle double, finissaient de pendre des lainages, tandis que, dans une vitrine de la rue Neuve-Saint-Augustin, un autre commis, agenouillé et le dos tourné, plissait délicatement une pièce de soie bleue. Le magasin, vide encore de clientes, et où le personnel arrivait à peine, bourdonnait à l’intérieur comme une ruche qui s’éveille.
– Fichtre ! dit Jean. Ça enfonce Valognes… Le tien n’était pas si beau.
Denise hocha la tête. Elle avait passé deux ans là-bas, chez Cornaille, le premier marchand de nouveautés de la ville ; et ce magasin, rencontré brusquement, cette maison énorme pour elle, lui gonflait le cœur, la retenait, émue, intéressée, oublieuse du reste. Dans le pan coupé donnant sur la place Gaillon, la haute porte, toute en glace, montait jusqu’à l’entresol, au milieu d’une complication d’ornements, chargés de dorures. Deux figures allégoriques, deux femmes riantes, la gorge nue et renversée, déroulaient l’enseigne : Au Bonheur des Dames. Puis, les vitrines s’enfonçaient, longeaient la rue de la Michodière et la rue Neuve-Saint-Augustin, où elles occupaient, outre la maison d’angle, quatre autres maisons, deux à gauche, deux à droite, achetées et aménagées récemment. C’était un développement qui lui semblait sans fin, dans la fuite de la perspective, avec les étalages du rez-de-chaussée et les glaces sans tain de l’entresol, derrière lesquelles on voyait toute la vie intérieure des comptoirs. En haut, une demoiselle, habillée de soie, taillait un crayon, pendant que, près d’elle, deux autres dépliaient des manteaux de velours.
– Au Bonheur des Dames, lut Jean avec son rire tendre de bel adolescent, qui avait eu déjà une histoire de femme à Valognes. Hein ? c’est gentil, c’est ça qui doit faire courir le monde !
Questions
- Montrez comment la façade du grand magasin fascine et enchante Denise
- Pourquoi, d’après vous, nommer ce grand magasin Au bonheur des Dames ? Trouvez-vous ce nom bien choisi ?
[1] Gent : ensemble de personnes ayant des traits communs
[2] Putrescible : qui se périme
[3] Inclémence : la dureté, le froid.