I – L’épanouissement au travail

La Fontaine – Le laboureur et ses Enfants

Jean de la Fontaine, 1621 – 1695, Fabuliste

Il puise ici chez Esope, fabuliste de l’Antiquité grecque, le canevas de la fable ci-dessous. Celle-ci entend montrer que les efforts et le travail sont des valeurs essentielles et précieuses

Travaillez, prenez de la peine :
C’est le fonds qui manque le moins.
Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l’endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’Oût.
Creusez, fouiller, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu’au bout de l’an
Il en rapporta davantage.
D’argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor.

Jean de la Fontaine, Le Laboureur et ses Enfants, 1668

Questions :

  1. Quelles valeurs sont ici associées au travail ?
  2. Rechercher la définition du mot “apologue” : en quoi ce terme peut-il être appliqué à ce texte ? Justifiez.

Le sens du travail

Consultant d’entreprise et formateur dans de grandes écoles, Gérard Regnault a publié de nombreux essais sur le monde de l’entreprise. Dans Le Sens du Travail, il s’intéresse aux différentes valeurs données au travail par les salariés et par l’entreprise.

Certains salariés ne voient le travail que sous l’angle de la contrainte (beaucoup parmi les personnes de faible qualification) mais il s’avère également que d’autres trouvent des raisons possibles d’un intérêt au travail ; parmi celles-ci, en plus des plaisirs du contact et de faire, ainsi que celui de se sentir utile à la société, nous citerons encore le travail comme moyen de se réaliser, c’est-à-dire d’apprendre, de toujours, s’enrichir dans des domaines, les plus divers au gré des activités professionnelles et des goûts de chacun. Certains vont ainsi pouvoir découvrir d’autres peuples en travaillant dans le secteur de l’importation ou de l’exportation et il ne s’agira pas là d’une rencontre superficielle de quelques jours ou semaines au cours des vacances ; plus couramment, beaucoup vont pouvoir découvrir des cultures régionales française qu’ils n’auraient pas eu l’occasion de connaître autrement : la formation continue va permettre à l’ensemble des salariés de progresser professionnellement et culturellement, les deux aspects étant rendu possible par des accords entre partenaires sociaux et différentes lois depuis plus de 30 ans (encore faut-il les connaître et vouloir les appliquer) ; les contacts avec des collègues, des clients ou des fournisseurs vont pouvoir déboucher sur la possibilité d’activités extra-professionnelles communes et nouvelles (sport, loisirs d’hiver, engagement associatif…)

Le plaisir de se réaliser personnellement à travers le travail paraît concerner un nombre assez important de salariés, surtout parmi les cadres, cet objectif paraissant la plupart du temps inatteignable à ceux qui occupent un emploi où les responsabilités et possibilités d’évolution sont faibles (ouvriers et employés, peu qualifiés, pour lesquels, fréquemment, seul le hors travail peut présenter le cas échéant un sens vraiment positif sur le plan personnel).

Gérard Regnault – Le sens du travail (2004)

Questions :

  1. Selon le texte, quels sont les facteurs possibles d’un intérêt au travail ?
  2. D’après l’auteur, comment peut-on se réalilser personnellement après le travail ?

Ce qui rend heureux au travail

Dans cet article extrait du site web du Figaro, les journalistes Jean-Luc Nothias et Pascale Senk s’interrogent sur ce qui peut être source d’épanouissement au travail.

À force d’identifier les souffrances au travail, ce qui était nécessaire vu l’augmentation du nombre de plaintes dans les consultations spécialisées, on en est arrivé à ne plus vraiment croire aux aspects les plus bénéfiques de l’activité professionnelle. Cette focalisation est en train de changer, si l’on en croit l’intérêt de la psychologie positive pour le travail et l’émergence d’enquêtes récentes, plus centrées sur le meilleur des conditions laborieuses.

Ainsi, le tableau complet d’un « travailler mieux » a-t-il pu être dégagé. Il y apparaît clairement que les TPE (très petites entreprises, jusqu’à 17 personnes) sont les structures où il fait bon être employé. « Plus on monte dans la taille de l’organisation, moins le vécu au travail est positif », confirme Pierre-Eric Sutter. Cette donnée n’est pas anodine et a mené le cabinet conseil à rechercher ce qui, dans ces petites structures, favorisait justement l’épanouissement de l’individu. Est né alors un slogan, « La TPE attitude », qui permet de cibler et mémoriser trois facteurs de mieux-être : la transparence (de la direction, des décisions, etc.), la proximité (des dirigeants avec le terrain, de l’amont et de l’aval), l’enthousiasme (d’une vision partagée, des valeurs…).

Ainsi, ceux qui voient clairement l’apport de leur production finie ou qui se sentent en phase avec ce que fabrique l’entreprise partent avec une longueur d’avance pour vivre bien au travail. Bien lotis aussi, ceux qui reçoivent de leur hiérarchie des objectifs clairs qui, en plus, favorisent la cohésion des équipes. Le stress naît le plus souvent d’une obligation de s’adapter à des consignes contradictoires et dont on ne perçoit plus le but. « Ce dont les Français ont le plus besoin c’est de sens, pas de soins », résume Pierre-Eric Sutter, fustigeant une certaine tendance à la médicalisation des maux du travail dans notre pays.

« Les gros revenus ne garantissent plus le bonheur »

Ce rôle primordial du sens dans la satisfaction professionnelle, Marc Traverson, coach et consultant du cabinet Acteus, l’observe au quotidien sur le terrain. Il vient d’ailleurs de publier une Lettre à ceux qui ont momentanément perdu leur emploi dans laquelle il mesure tous les investissements intérieurs liés au travail, et comment en faire des piliers même lorsque le vent tourne. « Cette notion de sens est aujourd’hui primordiale, confirme-t-il. Ainsi, si vous trouviez une motivation intellectuelle à monter des structures financières très complexes et que, rachetée par un grand groupe, votre entreprise se focalise désormais sur les seuls chiffres atteints, vous dépérissez intérieurement. »

Lorsqu’il manque à la structure, le sens peut cependant toujours être « tricoté » au niveau individuel. « Le plus important, quel que soit le poste que vous occupez, c’est de vous sentir acteur de votre travail, explique-t-il, que celui-ci soit cohérent avec vos valeurs, qu’il vous donne l’occasion d’apprendre, de vous “challenger” par touches, tout en éveillant en vous le sentiment de faire partie d’un groupe où vous avez une place et une utilité. »

Autre grande source de satisfaction professionnelle peu souvent évoquée dans les débats sociaux : le plaisir de transmettre. « Aujourd’hui, les gros revenus et les lourdes responsabilités qui vont avec ne garantissent plus le bonheur, observe le consultant, et un nombre de plus en plus important de salariés le savent, au point de bien réfléchir, voire refuser certaines promotions qui leur coûteraient trop cher dans leur vie privée. Par contre, quand on est un manager ou un pro expérimenté, voir ses collaborateurs “grandir” et les aider dans un esprit de formation est un réel plaisir. »

Du sens, des valeurs partagées, la satisfaction de transmettre… Autant de pistes invoquées par ces consultants qui osent un autre regard sur la vie professionnelle. Et Marc Traverson de rappeler le slogan du président Kennedy à propos du gouvernement américain en l’adaptant au travail : « Ne vous demandez pas ce que votre entreprise peut faire pour vous rendre heureux, mais demandez-vous plutôt ce que vous pouvez faire pour votre propre bonheur. » Un réflexe de survie à l’heure où de nombreux bateaux tanguent ?

Jean-Luc Nothias et Pascale Senk – « Ce qui rend heureux au travail », Le Figaro (7 novembre 2010)

Questions :

  1. Quelles sont les conditions structurelles d’un épanouissement dans le travail en entreprise ?
  2. Quelles sont les sources d’épanouissement personnel dans le travail ?