III. 1) Paris et son image fantasmée

Les monuments Parisiens

La Citroën accéléra encore et ils aperçurent le phare de la tour Eiffel qui balayait les toits de Paris de son long rayon circulaire. Langdon pensait à Vittoria, à la joyeuse promesse qu’ils s’étaient faite un an plus tôt, de se retrouver tous les six mois dans un lieu pittoresque du monde. La tour Eiffel aurait sûrement fait partie des rendez-vous. Malheureusement, cela faisait un an qu’il l’avait embrassée pour la dernière fois dans le brouhaha de l’aéroport de Rome.

— Vous l’avez escaladée ? demanda Collet.

— Pardon ? lâcha Langdon, certain d’avoir mal entendu.

— N’est-ce pas qu’elle est magnifique ? Vous êtes monté au sommet ?

Langdon leva les yeux au ciel.

— Euh… non, soupira-t-il.

— C’est le symbole de la France. Je la trouve parfaite.

Langdon hocha la tête, l’esprit ailleurs. Les spécialistes des symboles avaient souvent fait la remarque que la France – pays des machos coureurs de jupons et des souverains aussi impétueux que bas sur pattes, de Pépin le Bref à Napoléon – n’aurait pas pu choisir d’emblème plus approprié que ce phallus de trois cents mètres.

Arrivée au début de l’avenue de l’Opéra, la voiture descendit en trombe la rue de Rohan, ignora le feu rouge de la rue de Rivoli, et franchit le guichet du Louvre. L’arc du Carrousel se dressait à droite devant eux.

L’arc du Carrousel.

Ce n’est pas à cause des orgies rituelles qui s’y déroulaient autrefois que les amoureux de l’art vénéraient cet édifice, mais parce que, debout sous l’arche sculptée, on pouvait voir à l’ouest le musée du Jeu de paume et à l’est le musée du Louvre. Le monolithique palais Renaissance qui était devenu le plus célèbre musée au monde se dévoila progressivement sur leur gauche.

Le Louvre.

Incapable d’embrasser tout le palais du regard, Langdon ressentait un émerveillement pourtant familier. Avec sa cour intérieure monumentale, l’imposante façade du Louvre se dressait comme une citadelle contre le ciel de Paris. Cet édifice qui dessinait un immense fer à cheval était le plus long d’Europe. Et même l’immense esplanade de trente-cinq mille mètres carrés ne parvenait pas à réduire la majesté des larges façades. Il avait un jour calculé, en le parcourant à pied, que le périmètre du musée représentait une distance de plus de quatre kilomètres.

Si l’on estimait en général à cinq jours le temps nécessaire pour aller admirer de près les soixante-cinq mille trois cents œuvres d’art qu’il abritait, les touristes choisissaient en général la formule « light » – une visite éclair consistant à relier au pas de course les trois chefs-d’œuvre les plus célèbres : la Joconde, la Vénus de Milo et la Victoire de Samothrace. Art Buchwald se vantait d’avoir réussi à les voir toutes les trois en cinq minutes, cinquante-six secondes. […]

La pyramide.

Vivement controversée lors de sa construction, par l’architecte américain d’origine chinoise I.M. Pei, la nouvelle entrée du Grand Louvre était devenue aussi célèbre que le musée lui-même. Rivalisant dans la métaphore avec Goethe, qui définissait l’architecture comme une musique figée, les détracteurs de la grande pyramide la trouvaient à peu près aussi harmonieuse qu’un raclement d’ongles sur un tableau noir, tandis que d’autres admiraient la synergie quasi magique qu’elle incarnait entre l’ancien et le nouveau : ils voyaient en elle le symbole de l’entrée du ouvre dans le nouveau millénaire.

Dan Brown – Da Vinci Code (2004)

Questions

  1. Quels sont les grands monuments de la capitale listés dans ce texte ? Pensez-vous que leur nombre soit un trait caractéristique des capitales ?
  2. D’après vous, est-il nécessaire de construire de nouveaux monuments dans les capitales ?



Qu’est-ce que le « ciné tourisme », cette tendance de voyage inspirée par les séries et les films ? Eva Leray, Ouest-France, novembre 2022

Après le « dark tourisme » et le « tourisme vert », une autre tendance de voyage semble émerger pour l’année prochaine : le « ciné tourisme ». En d’autres termes, des destinations de vacances choisies en fonction des lieux où ont été tournés des films, séries ou documentaires en vogue.

Se balader dans le comté du Seigneur des anneaux en Nouvelle-Zélande. Visiter Scranton, la ville où se déroulait la série The Office, en Pennsylvanie, aux États-Unis. Ou encore arpenter les rues de Marseille à la recherche des décors du célèbre feuilleton français Plus belle la vie… Depuis plusieurs années, les vacanciers cherchent de plus en plus à découvrir les lieux de tournages de leurs films et séries préférés.

Cette tendance pourrait prendre de l’ampleur en 2023 selon le groupe de voyage Expedia qui donne un nom à ces nouveaux vacanciers : les « ciné touristes ». D’après une étude menée par l’institut de sondage international OnePoll, relayée par le site Tendance Hôtellerie, « les documentaires, films et séries en streaming sont désormais la deuxième plus grande source d’inspiration pour partir en voyage (20 %), dépassant désormais les réseaux sociaux (13 %), et se positionne juste derrière les recommandations d’amis ou de la famille (42 %) ».

Les résultats de l’étude menée par OnePoll sur 24 000 personnes dans 17 pays font réagir Guy Raffour, fondateur du cabinet d’expertise spécialisé dans le tourisme, Raffour Interactif. « Ça ne fait pas de doutes que pour les fans ce critère soit une source d’inspiration », nous assure-t-il au téléphone. Mais sur les douze critères évalués – plus ou moins subjectifs, allant du climat au dépaysement, en passant par le prix du voyage – et qui conditionnent le choix d’une destination, l’importance accordée aux séries et aux films lui paraît « excessive ». Un constat que partage également Didier Arino, directeur général du cabinet d’expertise Protourisme. « Cette tendance se repère principalement chez les jeunes et les cinéphiles », selon lui.

S’ils reconnaissent l’existence de ce phénomène, les deux experts émettent des réserves. « Il y a une véritable émulation créée par les séries et les films pour aller visiter les lieux de tournage mais cela concerne plutôt les séjours courts », observe Guy Raffour. « Ce n’est pas un phénomène nouveau, le cinéma a toujours été une source d’inspiration pour les voyages, prenez l’exemple de Brigitte Bardot et de Saint-Tropez », complète Didier Arino. 

En 2022, les icônes et les inspirations ont changé. À l’heure où les plateformes de streaming, comme Netflix et Amazon Prime, prennent de plus en plus d’importance dans le paysage audiovisuel, les séries aussi gagnent en influence. « Plus belle la vie a accompagné la croissance de Marseille », assure Didier Arino. Et à l’international, la série à succès Game of Thrones a contribué au développement des lieux où elle a été tournée. De l’Irlande du Nord au Maroc en passant par l’Islande, les villes et régions qui ont accueilli les équipes de tournage n’ont pas manqué de profiter de ce nouveau type de tourisme.

Un tourisme de « niche »

« Les gens ne partent plus seulement en vacances pour se reposer, ils recherchent de plus en plus des enrichissements historiques, culturels ou patrimoniaux », observe Didier Arino. Cette nouvelle façon de partir en vacances appartient à la catégorie du « tourisme de niche », estime Guy Raffour. « Les voyageurs thématisent de plus en plus leurs vacances », ajoute-t-il. Les séjours se composent davantage autour du vin, de la gastronomie, de l’histoire mais aussi des séries et des films.

Lire aussi : Qu’est-ce qui pousse ces touristes à visiter des lieux de catastrophe ?

« Plus d’un tiers des Français interrogés (61 %) ont envisagé de visiter une destination après l’avoir vue dans une série télé ou un film en streaming, et 40 % d’entre eux ont même été jusqu’à réserver un séjour », relève l’étude commandée par Expedia. Ce type de vacances sont « des plus à exploiter » pour les destinations, souligne Guy Raffour. Quand le climat n’attire plus, les séries et les films peuvent ramener des touristes pendant l’arrière-saison et ainsi permettent aux destinations de continuer à vivre.

Questions :

  1. Pensez-vous que le cinéma ait un réel pouvoir sur l’image qu’on peut se faire d’une ville ?

Regards sur le monde actuel

Mais un autre nom me vient à l’esprit, comme je pense à tous ces noms représentatifs. C’est un nom de ville. Quel phénomène plus significatif et qui illustre mieux ce que je viens de dire, que l’énorme accroissement au cours des siècles de la prééminence de Paris ? Quoi de plus typique que cette attraction puissante et cette impulsion continuelle qu’il exerce comme un centre vital dont le rôle passe de beaucoup celui d’une capitale politique ou d’une ville de première grandeur ?

L’action certaine, visible et constante de Paris, est de compenser par une concentration jalouse et intense les grandes différences régionales et individuelles de la France. L’augmentation du nombre des fonctions que Paris exerce dans la vie de la France depuis deux siècles correspond à un développement du besoin de coordination totale, et à la réunion assez récente de provinces plus lointaines à traditions plus hétérogènes. La Révolution a trouvé la France déjà centralisée au point de vue gouvernemental, et polarisée à l’égard de la Cour en ce qui concerne le goût et les mœurs. Cette centralisation n’intéressait guère directement que les classes dirigeantes et aisées. Mais à partir de la réunion des Assemblées révolutionnaires, et pendant les années critiques, un intense mouvement d’hommes et d’idées s’établit entre Paris et le reste de la France. Les affaires locales, les projets, les dénonciations, les individus les plus actifs ou les plus ambitieux, tout vient à Paris, tout y fermente ; et Paris à son tour inonde le pays de délégués, de décrets, de journaux, des produits de toutes les rencontres, de tous les événements, des passions et des discussions que tant de différences appelées à lui et heurtées en lui engendrent dans ses murs.

Je ne sais pourquoi les historiens en général ne soulignent pas ce grand fait que me représente la transformation de Paris en organe central de confrontation et de combinaison, organe non seulement politique et administratif, mais organe de jugement, d’élaboration et d’émission, et pôle directeur de la sensibilité générale du pays. […] Imaginez que vous perceviez en quelques instants ce qui s’est fait en quelques centaines d’années, Paris se former, grossir, ses liaisons avec tout le territoire se multiplier, s’enrichir ; Paris devenir l’appareil indispensable d’une circulation généralisée ; sa nécessité et sa puissance fonctionnelle s’affirmer de plus en plus, croître avec la Révolution, avec l’Empire, avec le développement des voies ferrées, avec celui des télégraphes, de la presse, et de ce qu’on pourrait nommer la littérature intensive… […]

C’est une production typique de la France, de la diversité extraordinaire de la France, que cette grande cité à qui toute une grande nation délègue tous ses pouvoirs spirituels, par qui elle fait élaborer les conventions fondamentales en matière de goûts et de mœurs, et qui lui sert d’intermédiaire ou d’interprète, et de représentant à l’égard du reste du monde, comme elle sert au reste du monde à prendre une connaissance rapide, inexacte et délicieuse de l’ensemble de la France.

Paul Valéry – Regards sur le monde actuel (1931)

Questions :

  1. Pensez-vous que Paris est toujours le centre vital de la France ?
  2. Connaître Paris, est-ce connaître la France ?


La capitale de la mode

Maintenant pour certaines de ces raisons sinon pour toutes, Paris était là où se trouvait le XXe siècle.

Il était important aussi que Paris fût là où les modes se créaient. Il est évident qu’il y eut des moments où l’on paraissait s’habiller mieux à Barcelone et à New York, mais en réalité pas.

C’est à Paris que les modes étaient créées et c’est toujours dans les grands moments, lorsque tout change, que les modes sont importantes, parce qu’elles projettent quelque chose en l’air ou font tomber ou tourner quelque chose qui n’a aucun rapport avec quoi que ce soit.

La mode est ce qu’il y a de réel dans l’abstraction. La seule chose à quoi manque tout côté pratique. Donc Paris tout naturellement, qui a toujours créé les modes, était l’endroit où tout le monde allait en 1900. L’on avait besoin d’un fond de tradition, d’une ferme conviction que les hommes, les femmes et les enfants ne changent pas, que la science est intéressante mais ne change rien, que la démocratie est réelle mais que les gouvernements, à moins qu’ils ne vous imposent trop ou vous fassent vaincre par l’ennemi, ne sont d’aucune importance. Voilà la toile de fond dont tout le monde avait besoin en 1900.

C’est curieux l’art et la littérature, et la mode ayant partie liée. Il y a deux ans tout le monde disait que la France était finie et perdue, qu’elle tombait au rang de puissance de second ordre et cætera, et cætera. Et je disais, mais je ne le crois pas, parce que depuis des années, depuis la guerre, les chapeaux n’ont jamais été aussi variés et aussi ravissants et aussi français qu’ils le sont à présent. On les trouve non seulement dans les grandes maisons, mais partout où il y a une vraie modiste il y a un joli petit chapeau français.

Je ne crois pas que lorsque l’art et la littérature caractéristiques d’un pays sont pleins d’activité et de vigueur, je ne crois pas qu’un pays soit à son déclin. Le pouls le plus sûr pour indiquer la situation d’un pays est la production de l’art qui le caractérise et qui n’a aucun rapport avec sa vie matérielle De sorte que lorsque les chapeaux à Paris sont ravissants et français et partout, alors la France se porte bien.

Paris était donc l’endroit qui convenait à ceux d’entre nous qui avaient à créer l’art et la littérature du vingtième siècle. C’est assez naturel.

Gertrude Stein – Paris – France (1940)

Questions :

  1. Expliquez la formule « Paris était là où se trouve le XXème siècle »
  2. Pourquoi, selon Stein, la France n’a pas reculé « au rang de puissance de seconde ordre » ?
  3. En quoi la mode contribue-t-elle à l’image fantasmée de Paris ?

Emily in Paris

Pensez-vous qu’Emily in Paris ait un impact positif sur l’image de Paris ?