Musique et contestation

Didier Francfort, « La Marseillaise de Serge Gainsbourg » (2007)

L’image de Gainsbarre, mal rasé, fumant une éternelle cigarette, brûlant des billets de cinq cents francs devant un public de téléspectateurs scandalisés s’est imposée, en France, comme une des manifestations les plus visibles du goût contemporain pour la provocation. […] Pour qu’il y ait provocation, il faut en effet qu’il y ait intentionnalité. Il ne pourrait y avoir de provocation involontaire […]. Mais il ne suffit pas d’être contre pour qu’il y ait provocation – bien des chansons militantes, engagées, s’inscrivent dans un tout autre registre –, il faut aussi qu’il y ait un défi. Par l’action, souvent divergente, des paroles et de la musique, une chanson affirme haut et fort, « voici ce que je ne suis pas ». En appréciant cette chanson, je me démarque sans que, séparément, paroles et musiques relèvent de la logique de la provocation. […]

Il ne s’agit pas ici d’énumérer les outrages publics de Gainsbourg ou de son double « Gainsbarre » […]. Nous nous en tiendrons à une seule provocation, afin d’analyser ses modalités et de faire l’anatomie d’un scandale, celui qui a accompagné, en 1979-1980, la sortie du disque enregistré à la Jamaïque avec des musiciens locaux, sur lequel figurait une version de l’hymne national français, transformé en reggae * et devenu ainsi La Marseillaise de Gainsbourg. Les paroles du refrain y sont simplifiées à l’extrême : « Aux armes et cætera. »

[…] Il n’est sans doute pas possible de reconstituer le parcours créateur de Gainsbourg, comme de réduire son inspiration à une série d’influences. Mais l’actualisation, la parodie, la citation de musiques classiques ou d’hymnes nationaux sont devenues, à la fin des années 1960, des formes musicales fréquentes, particulièrement dans la production rock * et « pop * ». En août 1969, à Woodstock, Jimmy Hendrix avait interprété un Star Spangled Banner iconoclaste. Cette version agressivement électrique est devenue une forme de contre-hymne, dans lequel s’est reconnue une génération hostile à la guerre du Vietnam. Plus récemment, et plus près de Paris, les Sex Pistols avaient détourné le God save the Queen à l’occasion du jubilé de la reine en 1977. Gainsbourg est bien dans l’air du temps de la génération du « no future ». De façon étonnante, lorsque le scandale de La Marseillaise reggae de Gainsbourg est évoqué, il n’est guère mis en relation avec ces provocations comparables, qui touchent tour à tour les États-Unis et le Royaume-Uni, comme si le caractère sacré de l’hymne français était unique et ne pouvait pas être associé avec l’usage exclusivement social et politique des autres hymnes nationaux.

[…] La provocation, si provocation il y a, s’inscrit dans une esthétique de rupture, rapprochant de façon inouïe des traditions diverses, détournant des airs connus. […] En avril et mai 1979, la promotion de l’album conduit à plusieurs reprises le chanteur sur les plateaux de télévision. La vente dépasse les cent mille exemplaires en un mois, l’album est classé premier au Hit-Parade. Le scandale suit le succès. Dans Le Figaro Magazine du 1er juin 1979, l’éditorialiste Michel Droit s’en prend longuement à l’« outrage à l’hymne national » que Gainsbourg vient de commettre. […] Avant d’être politique, la critique, virulente, se place sur le terrain de l’esthétique et de la morale. Gainsbourg est coupable d’avoir voulu « réaliser une affaire », et d’utiliser pour cela « un rythme et une mélodie vaguement caraïbes » […]. Et Michel Droit replace La Marseillaise de Gainsbourg dans la logique provocatrice caractéristique du chanteur, avide de scandale, qui « ne cessant de reculer les limites de l’impudeur et de l’exhibitionnisme » a été condamné à « trouver autre chose », en s’attaquant à « ce que nous avons de plus sacré » : « profanation pure et simple ». L’attaque n’est plus seulement esthétique, elle s’en prend à la personne. Gainsbourg vomit, il bave, « œil chassieux, barbe de trois jours, lippe dégoulinante, blouson savamment avachi, mains au fond des poches », il est « crado », « délabré ». Il pollue, et Michel Droit compare la pollution qui émane de lui à celle « de certains tuyaux d’échappement ».

[…] En janvier 2003, les députés ont adopté une loi selon laquelle l’« outrage » à l’hymne national et au drapeau français est considéré comme un délit. Le mot peut être ambigu. Gainsbourg serait-il passible de six mois d’emprisonnement et d’une amende de plus de sept mille euros pour avoir touché à l’hymne ? L’effet de la provocation n’apparaît pas comme un moment significatif de la poursuite d’un lent processus d’érosion de la sacralité. Au contraire, Gainsbourg a pu contribuer à créer de nouvelles conditions d’écoute de l’hymne national, dégagé du poids des obligations protocolaires et des habitudes. […] Le moment de la provocation est ainsi un moment nécessaire dans l’appropriation de la culture, dans la patrimonialisation et l’identification des sociétés à des références communes. Une histoire culturelle qui ne serait que l’histoire d’un patrimoine « consensuel » passerait à côté de moments significatifs de construction d’identités culturelles.

QUESTIONS :

  1. Qu’est-ce qui caractérise la provocation selon l’auteur, et en quoi La Marseillaise reggae de Gainsbourg s’inscrit-elle dans cette logique ?
  2. Comment l’auteur replace-t-il le geste de Gainsbourg dans un contexte international (Hendrix, Sex Pistols) et que révèle cette comparaison sur la spécificité française ?
  3. Quelle est la thèse finale de Francfort sur le rôle de la provocation dans la construction culturelle ? En quoi dépasse-t-elle la simple transgression ?

Lydie Salvayre, Hymne (2011)

Car Hendrix à lui seul, et par le seul moyen de sa guitare, Hendrix leur fit entendre, à bout portant, une certaine vérité de l’Amérique.

Il leur révéla, par le seul biais de sa musique, que les États-Unis étaient, depuis le commencement, désunis.

Il dénomma la désunion.

À lui seul, il la prit en charge.

Et mit brutalement à découvert ceci : c’est qu’il n’y avait pas une Amérique unie, unifiée, uniforme, c’est-à-dire blanche, prospère, conquérante, animée d’une unique conception de l’homme et de la vie,

mais qu’il y en avait cent,

qui formaient un troupeau

appelant au secours

et sur lequel on fermait vertueusement les yeux.

Nul ne savait cela mieux que lui, le trois fois bâtard, le trois fois paria, le trois fois maudit, lui dont les veines charriaient du sang noir, du sang cherokee, et quelques gouttes de sang blanc, lui qui vivait avec trois cœurs battants, et peut-être davantage.

Car Hendrix était, à lui seul, un continent et une Histoire.

Par le seul moyen de sa musique qui brassa dans un même chœur le sanglot des Indiens Cherokee chassés de leurs sauvages solitudes, la nostalgie des esclaves noirs qui chantaient le blues dans les champs de coton, les fureurs électriques du rock’n’roll moderne et les sons si nouveaux du free-jazz ,

par le seul moyen de sa musique, il rameuta en trois minutes quarante-trois, le troupeau des Amériques qui faisaient l’Amérique et qui hurlèrent à la mort de se voir ainsi regroupées.

Toutes ces Amériques incompatibles, dissonantes, ennemies,

ces Amériques divorcées, malheureuses,

ces Amériques démembrées,

l’Amérique des Noirs privés du droit de s’asseoir dans les snacks et de pisser dans les stations-service, des Noirs confinés dans des étables et nourris de la pâtée des porcs, des Noirs chassés des jardins publics, chassés des plages, chassés des cinémas, chassés des églises, chassés des bordels, chassés des night-clubs, chassés des cimetières, chassés des écoles et chassés de toutes parts,

l’Amérique des Indiens et leur peine éternelle et leurs noms qui n’étaient plus rien, Okonee, Natchez, Chattahoochee, Kaqueta, Orocono, Wabash, Chippewa, Chickasaw, Oshkosh, Spokane… l’Amérique des Indiens qui, après avoir vécu libres et maîtres de leur sol au bord de lacs violets, furent légalement spoliés, légalement trahis, légalement exilés, légalement massacrés, Tuez-les tous ! Tuez-les tous !, légalement traités en réprouvés et légalement parqués dans des préfabriqués de fortune,

l’Amérique de Nixon qui les entraînait irréversiblement vers une guerre interminable, une guerre qui dépassait de beaucoup la mesure d’un désastre national, une guerre qui était comme une plaie empoisonnée dans l’esprit de la jeunesse, une guerre livrée par la nation la plus puissante du monde contre un pays minuscule, et que beaucoup regardaient comme injuste,

et l’Amérique des Américains moyens que Dieu les bénisse, des Américains moyens tout imprégnés de sentiments patriotiques, très respectueux de la bannière étoilée et des opérations Speedy Express, bons pères, bons citoyens, bons époux, bons voisins, inscrits pour la plupart dans des ligues de vertu, banalement salauds, banalement racistes, gobant sans rechigner tous les mensonges présidentiels bien qu’ils laissassent mauvais goût, mais s’offusquant à grands cris de la tignasse de leur fils qui s’était rendu à Woodstock écouter une musique de nègres uniquement conçue pour abaisser les Blancs à leur niveau.

Et toutes ces Amériques que je viens de nommer, l’Amérique d’un passé enseveli vivant et que l’on voulait mort, l’Amérique d’un présent douloureux pris entre des vents contraires, et l’Amérique d’un futur électrique qui préparait déjà, souterrainement, l’élection d’Obama, toutes ces Amériques qui faisaient l’Amérique, il leur donna accueil, les fit entendre toutes,

et monstrueusement les hybrida,
en hybridant leur musique.

QUESTIONS

  1. Comment l’auteure présente-t-elle Hendrix comme « révélateur » de l’Amérique ?
  2. Analysez la métaphore du « troupeau des Amériques » : quelles sont ces différentes Amériques que Hendrix fait entendre ?
  3. En quoi la musique devient-elle, selon Salvayre, un moyen d’hybridation et de révélation historique ?

« Le déserteur » de Vian : le destin exceptionnel d’un hymne pacifiste », France info Culture, francetvinfo.fr, février 2014.

« Monsieur le Président/ Je vous fais une lettre/ Que vous lirez peut-être/ Si vous avez le temps/ Je viens de recevoir/ Mes papiers militaires/ Pour partir à la guerre/ Avant mercredi soir/ Monsieur le Président/ Je ne veux pas la faire/ Je ne suis pas sur terre/ Pour tuer des pauvres gens/ C’est pas pour vous fâcher/ Il faut que je vous dise/ Ma décision est prise/ Je m’en vais déserter… »: ainsi commence ce chant de révoltes contre toutes les guerres, composé de 12 quatrains en hexasyllabe (six syllabes).

« C’est un texte universaliste qui symbolisera le refus de la guerre », résume Philippe Boggio, biographe de Boris Vian . C’est aussi l’une de ses rares chansons à porter sa signature musicale, avec celle de Harold Berg. La mélodie est simple, lente, facile à retenir. L’écrire en ce début 54 est courageux. La guerre d’Indochine n’est pas finie. Et celle d’Algérie va très vite commencer. « Inaudible pour l’époque, Vian est incroyablement gonflé. C’est un anar total: il est contre la bombe, les généraux, les uniformes », rappelle M. Boggio, en ajoutant: « Le contingent, c’était sacré ! » Vian propose sa chanson à plusieurs interprètes.

Seul, Mouloudji, compagnon de route du Parti communiste, accepte. Il note une contradiction entre son message pacifiste et la fin du texte: « Si vous me condamnez/ Prévenez vos gendarmes/ Que j’emporte des armes/ Et que je sais tirer ». Mouloudji propose de remplacer les deux derniers vers par: « Que je n’aurai pas d’armes/ Et qu’ils pourront tirer ». Il demande son avis à Vian qui répond: « Tu fais comme tu veux Mouloud, c’est toi qui chantes ».

Et « Mouloud » l’inscrit à son répertoire, retenant sa propre version. Or, il l’interprète pour la première fois au Théâtre de l’Oeuvre, le 7 mai 1954, jour de la défaite française à Diên Biên Phu! C’est le scandale. « Le déserteur » est interdit de diffusion radio et de vente. L’interdiction ne sera levée qu’en 1962. Après la guerre d’Algérie. Mais la censure n’empêche pas Mouloudji de continuer à la chanter. En 1955, Vian la reprend en personne, d’une voix mourante et blanche, à cause du trac, à Paris puis en province où l’indignation repart de plus belle. A Perros-Guirec, un commando d’anciens combattants veut l’empêcher de chanter. A Dinard, le maire prend la tête des protestations.

Depuis, la chanson a été très largement traduite, reprise par de nombreux interprètes (Richard Anthony, Marc Lavoine, Juliette Gréco, Serge Reggiani, Johnny Hallyday, Renaud – d’une façon très personnelle -, Maxime Le Forestier, Leny Escudero, Hugues Aufray mais aussi Joan Baez ou Peter, Paul and Mary). Jean Ferrat chantera en 1967 « Pauvre Boris », une critique de ceux qui ont pris en marche le train de la mode pacifiste…

Pendant la guerre du Vietnam, lors de l’intervention occidentale dans la guerre du Golfe, contre la reprise des essais nucléaires par la France dans le Pacifique ou pour soutenir des manifs anti-mondialisation: « Le déserteur » a souvent été mis à contribution. En France, en 1999, une directrice d’école a été sanctionnée pour l’avoir fait chanter à deux élèves lors d’une commémoration de la capitulation allemande du 8 mai 1945.

Le texte a aussi été détourné: en 2012, en accord avec les héritiers de Boris Vian , des militants anti-nucléaires chantaient: « Monsieur le président/ Je ne peux plus me taire/ L’énergie nucléaire/ Peut tuer nos enfants ».

« Boris Vian pensait que l’homme était suffisamment fou pour faire sauter la planète », avait dit une héritière, citant une autre chanson pacifiste de Vian : « La java des bombes atomiques ». Dans une lettre posthume, le poète soulignait qu’il pouvait y avoir de « bonnes » guerres et que sa chanson ne pouvait choquer que « certains militaires de carrière pensant que la guerre n’avait d’autre but que de tuer les gens ».

QUESTIONS :

  1. Pourquoi la chanson de Vian était-elle « inaudible pour l’époque » selon Philippe Boggio ? Quel contexte historique explique le scandale ?
  2. Analysez la contradiction relevée par Mouloudji dans les paroles originales et sa modification : que révèle ce débat sur le message pacifiste ?
  3. Comment expliquez-vous la postérité internationale de cette chanson et ses multiples réappropriations ?

Le déserteur – Boris Vian

Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps

Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir

Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens

C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m’en vais déserter

Depuis que je suis né
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants

Ma mère a tant souffert
Qu’elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers

Quand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher passé

Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens

Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre
Refusez de partir

S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président

Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer


Aux origines du chant populaire « Bella Ciao », Derwell Queffelec, France Culture

Reprise dans des manifestations comme les « sardines » en Italie ou chez les « gilets jaunes » et leur « Macron ciao », ainsi que dans la série « Casa De Papel », la popularité de « Bella Ciao » n’est plus à prouver. Pourtant ses origines restent floues, mélangeant faits historiques et légendes urbaines.
C’est un rythme italien qui reste en tête dès qu’on l’entend. Repopularisé il y a quelques années par une célèbre série, vous croyez peut-être tout connaître de la véritable histoire de cette musique. Pourtant les origines de la chanson Bella Cia origines restent floues, mélangeant faits historiques et légendes urbaines.

Bella Ciao, chanson résistante ?

C’est l’explication la plus souvent donnée sur les origines de “Bella Ciao”. Elle aurait été chantée pendant la Seconde Guerre mondiale par la résistance antifasciste. On l’aurait vu apparaître en 1943 pendant la guerre civile italienne et la plupart des résistants l’auraient entonnée. En 1943 la guerre des “partigiani” fait rage en Italie. Le pays est coupé en deux avec le Nord dirigé par Mussolini et le Sud gouverné par la royauté.

En réalité, la chanson a été très peu connue et chantée par les résistants. Ce serait surtout ceux présents dans les Abruzzes la “brigada Maiella” qui la fredonnait.

Elle aurait donc bien été écrite dans ces années-là, mais elle n’aurait été que très peu connue. Les paroles reprennent un chant populaire “Fior Di Tomba” et racontent l’histoire d’un partisan qui va combattre l’envahisseur et demande à sa bien aimée de déposer une fleur sur sa tombe, avant de clamer qu’il est mort pour la liberté.

Ses premières apparitions en Italie et en France

La chanson acquiert en réalité sa notoriété après 1945. La presse socialiste la reprend et une revue d’ethnographie la publie dans ses pages en 1953. La revue dirigée par l’anthropologue Alberto Mario Cirese avait pour objectif de redorer la culture populaire oubliée par le fascisme.

Elle aurait également été chantée par la jeunesse socialiste italienne à Prague en 1947, lors du Festival mondial de la jeunesse démocratique. Beaucoup de dirigeants communistes et socialistes italiens s’étant exilés pendant la guerre, ils auraient pu souffler l’idée de chanter cet hymne partisan aux paroles sages qui unifient la gauche.

Yves Montand, d’origine italienne, sort une version en France qui la popularise en 1963. Un spectacle intitulé “Bella Ciao” est monté en 1964 autour des paroles de la chanson. Le grand public la découvre à ce moment-là.

Une chanson originaire des rizières ?

Une des légendes de “Bella Ciao” situe les origines au début du XIXe siècle dans le Nord de l’Italie. Là-bas des femmes, appelées les “Mondines” travaillent dans les rizières autour du fleuve Pô principalement. On raconte qu’elles auraient été les premières à chanter « Bella Ciao » mais avec des paroles différentes pour dénoncer leurs conditions de travail.

“Le matin, à peine levée / À la rizière je dois aller (…) Et entre les insectes et les moustiques / Un dur labeur je dois faire”.

Pour des historiens ce pan de l’histoire est une invention. Le témoignage de Vasco Scansiani, désherbeur dans les rizières va dans cette direction. Il affirme avoir écrit les paroles de la chanson en 1951 après les premières apparitions du chant “partisan”.

D’où vient la mélodie de Bella Ciao ?

Un des derniers mystères reste la mélodie de “Bella Ciao”. Cesare Bermani, historien et Carlo Pestelli, musicologue, avancent l’idée d’une origine française. Un chant français qui daterait du XVIe siècle aurait circulé jusqu’au Piémont italien.

Autre origine possible, une partie de la mélodie pourrait aussi venir d’un chant yiddish de 1910. Les liens entre l’Italie et l’Autriche ayant été forts à cette période, des chansons ont pu circuler entre les deux pays.

« Bella Ciao » c’est à la fois un chant populaire, révolutionnaire, antifasciste, féministe et national. La popularité de cette chanson s’est construite au fil des ans. Les fables autour des origines de ce chant renforcent sa symbolique et aident le pays à se projeter dans l’histoire de « Bella Ciao », dont tous les Italiens se revendiquent, aujourd’hui encore.

QUESTIONS :

  1. Pourquoi l’auteur oppose-t-il « faits historiques » et « légendes urbaines » concernant Bella Ciao ? Que révèle cette distinction ?
  2. Comment la chanson a-t-elle acquis sa dimension mythique après 1945, alors qu’elle était peu connue pendant la Résistance ?
  3. En quoi les multiples origines possibles (résistante, ouvrière, mélodique) participent-elles paradoxalement à la force symbolique du chant ?

QUESTIONS DE SYNTHÈSE

Sujet : « La chanson populaire comme révélateur des tensions sociales et politiques : du scandale à la patrimonialisation »

Consigne : En vous appuyant sur les quatre textes étudiés, rédigez un paragraphe argumenté (15-20 lignes) dans lequel vous montrerez comment certaines chansons, d’abord perçues comme scandaleuses ou subversives, peuvent devenir par la suite des références culturelles partagées.

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